
André Lamontagne, ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec et député caquiste de Johnson.
On apprenait via les grands médias, le 30 janvier dernier, le congédiement de l’agronome Louis Robert par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ). Véritable sommité dans son domaine, ce dernier travaillait au MAPAQ depuis 32 ans. C’est le nouveau ministre caquiste de l’agriculture, André Lamontagne, qui a personnellement autorisé le renvoi du fonctionnaire. Que reproche-t-on exactement à Louis Robert et qu’est-ce que ça nous dit sur ce qu’on peut retrouver dans notre assiette.
À l’origine de la controverse, on retrouve la dénonciation par l’agronome de l’ingérence de compagnies privées dans la recherche scientifique sur l’utilisation des pesticides. En effet, monsieur Robert avait commencé par rapporter le problème à ses supérieurs hiérarchiques au ministère de l’agriculture. Constatant que la situation ne changeait pas, le conseiller expert en matière de grain a décidé de se tourner vers le journaliste de Radio-Canada, Thomas Gerbet, jugeant que le public devait être informé.
Radio-Canada a ainsi publié en mars 2018 une enquête de fond qui fait le point sur l’ingérence du privé au sein du Centre de recherche sur les grains (CÉROM). Le conseil d’administration du centre, qui se veut une institution publique financée à 68% par le MAPAQ, est pourtant contrôlé majoritairement par le secteur privé. À la présidence du conseil du CÉROM, on retrouve Christian Overbeek, qui est également le président des Producteurs de grains du Québec, ainsi qu’un ardent défenseur des pesticides.
Que croyez-vous qu’il se passe lorsque des chercheurs du CÉROM étudient certains pesticides et concluent qu’ils ne servent finalement pas à grand chose, tout en détruisant l’environnement? Et bien, les membres du conseil d’administration, qui sont eux-mêmes des vendeurs de pesticides, essaient par toutes sortes de moyens de ne pas divulguer les conclusions de l’étude, bien entendu. Ils défendent leurs intérêts pécuniaires et ceux-ci n’ont rien à voir avec la santé publique ou l’environnement.

Christian Overbeek, président des Producteurs de grains du Québec et du CÉROM, accompagné d’André Lamontagne, ministre de l’Agriculture du Québec.
Que cache ce renvoi?
Le renvoi d’un agronome ne serait probablement qu’un fait divers si ce n’était de tous les conflits d’intérêts qui se cachent derrière ce geste. Tout d’abord, ce congédiement est également un enjeu syndical de taille. L’État québécois exige une rigueur de la part de ses scientifiques, mais que se passe-t-il lorsque les conclusions de leur recherche ne font pas l’affaire de l’industrie et qu’on les censure? Dans cette lutte syndicale, Louis Robert peut compter sur l’appui de son (ex-)syndicat, le Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ), dont le président a déclaré qu’il le défendrait jusqu’au bout.
Cette situation met également en lumière les intérêts divergents des producteurs de grains et ceux du reste de la population, à commencer par les agriculteurs, les principaux acheteurs de pesticides. Si un produit offert sur le marché se montre inefficace en plus de polluer l’environnement, il est dans l’intérêt, à la fois de ses consommateurs, mais aussi de tout le monde que ce soit rendu public… Les seuls qui ne tiennent pas à ce que le tout soit divulgué, ce sont les multinationales telles que Monsanto ou Shur-Gain qui produisent ces pesticides ainsi que leurs dépositaires au Québec, les producteurs de grains.
Qu’en est-il de l’ingérence gouvernementale dans le dossier? Comment se fait-il que le ministre Lamontagne ait donné son feu vert au renvoi d’un fonctionnaire qui se retrouve à cinq paliers hiérarchiques au-dessous de lui? Malgré la supposée volonté politique de protéger les « lanceurs d’alerte », le ministre caquiste assume son geste, prétextant qu’il y aurait d’autres raisons à ce congédiement. Pourtant, la lettre de renvoi de monsieur Robert, publiée par le journaliste Thomas Gerbet, n’en mentionne aucune autre. Serait-ce qu’entre les intérêts de la population du Québec et les intérêts des multinationales, le gouvernement de la CAQ penche du côté des grandes corporations? Poser la question, c’est y répondre.
Au final, que reproche-t-on exactement à Louis Robert? D’avoir privilégier le bien commun plutôt que les profits des multinationales? D’avoir rendu publique une situation de conflits d’intérêts des plus révoltantes au sein de nos institutions suite à l’inaction de ses supérieurs? D’avoir mené des recherches dont les conclusions allaient à l’encontre des projections économiques des Producteurs de grains du Québec et de les avoir diffusées? Dans tous les cas, les gestes que l’agronome a posés semblent tous viser le mieux être de la population du Québec dans son immense majorité, tandis que ceux posés par « notre » ministre de l’Agriculture semblent viser le mieux être de ses partenaires corporatifs, point barre. Quand est-ce qu’on le congédie, Lamontagne?